Pourquoi apprendre à syllaber quand on apprend à lire et à écrire

Brique de construction d'un mot et de sa prononciation, la syllabe est incontournable. Bien savoir syllaber permet de progresser dans la lecture et l'écriture des mots.

Par Svetlana Zenger | 14 novembre 2024

Une photo décomposée en blocs de différentes nuances de couleur bleu-violet. Chaque bloc est d'une hauteur différente.

Saviez-vous que tout ce que nous prononçons est composé de syllabes ? Véritables briques de notre parole, elles en assurent la fluidité. Certains enfants apprennent à lire sans passer par l’étape de la syllabation, tandis que d’autres rencontrent des difficultés. Pourtant, syllaber permet de ralentir ce qui est trop rapide, facilitant ainsi le travail sur les sons, et cette technique peut même être précieuse pour les adultes dans certaines situations.

Qu’est-ce qu’une syllabe ?

Syllaber, c’est découper un mot en petites unités de prononciation, comme “RE-GAR-DER” ou “MO-TI-VER”. Une syllabe ne porte pas de sens en elle-même, elle aide simplement à prononcer plus facilement un mot.

La syllabe regroupe des sons. Généralement, il y a au moins une voyelle dans une syllabe, mais il peut y avoir d’autres sons qui seront moins sonores et se prononceront avec moins de voix. Dans la syllabe “TI” de “MOTIVER”, “I” est la voyelle, le son le plus sonore de la syllabe, tandis que “T” est la consonne, qui a très peu de sonorité. C’est la raison pour laquelle “T” s’accroche en quelque sorte à “I” ; ensemble, c’est plus facile à prononcer.

Pourquoi “TI” est plus facile à prononcer que “T” tout seul ? C’est une question physiologique. D’ailleurs, quand on prononce “T” tout seul, on peut entendre, dans les enregistrements ralentis utilisés par les linguistes, une toute petite voyelle que l’on a tout de même prononcée sans s’en rendre compte, pour se faciliter la tâche.

La syllabe est une unité minimale de prononciation. On ne peut pas prononcer moins qu’une syllabe. “T” sera quand même une syllabe, “I” sera quand même une syllabe. Mais la syllabe peut, bien évidemment, être relativement grande, comme “GAR” dans “REGARDER”. La syllabe est comme une brique de construction d’un mot.

La syllabation et la dyslexie

Les recherches montrent que les enfants dyslexiques ont souvent du mal à identifier les syllabes dans les mots. Cette difficulté peut être un signe précoce de dyslexie.

D’un autre côté, on entend souvent de la part des parents : « Quand mon enfant a appris à lire, il a tout de suite lu les mots entiers, il n’a pas syllabé. »

Pourquoi syllaber quand on apprend à lire-écrire ? Est-ce que c’est mieux quand l’enfant a appris à lire-écrire sans passer par cette étape ?

Or, sauter les étapes peut coûter cher à votre enfant, qu’il ou elle soit dyslexique ou normolecteur.

Pourquoi est-il important d’apprendre à syllaber ?

On se rend peu compte à quel point le flux sonore est rapide. Un animateur radio, quand il parle lentement, prononce en moyenne 2,5 mots par seconde. 2,5 mots par seconde ! Et 150 mots par minute. 180 – s’il parle vite. Et il peut même dépasser 200 mots par minute ! Le flux sonore est extrêmement rapide. Et volatile, en plus. Le mot prononcé se dissout instantanément dans l’air.

Oui, quand nos enfants commencent à apprendre à lire entre 4 et 6 ans (“commencent” parce que je suis convaincue que l’on apprend à lire toute notre vie), ils et elles se penchent sur des unités aussi fines que cela . On parle beaucoup de la motricité fine. L’apprentissage de la lecture-écriture prévoit une finesse encore plus délicate que les mouvements des petits doigts…

Rapide, volatile, non visible, non palpable. Un mot. Et combien de syllabes, ou, pire encore, de phonèmes (sons) par seconde ?…

À 4-6 ans !

Quand l’invisible et le volatile deviennent visibles et palpables.

Dans Phonocolor, quand on attribue une forme en couleur à un son, c’est pour rendre visible, palpable et manipulable ce qui est invisible, volatile et trop rapide. C’est aussi ce que fait l’écriture. Les lettres fixent aussi les sons, il faut l’avouer. Mais les lettres, c’est aussi très, très fin.

Regardez le texte que vous êtes en train de lire de ce point de vue. Commencez à estimer combien de types de barres sont utilisés dans les lettres. Horizontales, verticales, arrondies : dans un sens ou dans l’autre, plus arrondies, moins arrondies, partiellement arrondies ; inclinées : dans un sens ou dans l’autre, partiellement inclinées ; combinées les unes avec les autres ; plus longues ou plus courtes que la moyenne… Le degré d’abstraction et de finesse ne simplifie pas beaucoup la tâche. Les ronds-carrés de couleurs – si.

Sur un tableau blanc est écrit 'Ficelles à prendre c'est facile'. Des ronds et des carrés de couleurs sont placés au-dessus de chaque graphème.

Les ronds-carrés de couleur de l’outil Phonocolor - [Fabrice Ducrest - Unil]

Se baser sur quelque chose de connu pour découvrir quelque chose de nouveau

Les lettres, c’est quelque chose de nouveau pour l’enfant, pas encore maîtrisé ; les sons – si. Au moment d’entrer dans la lecture-écriture, l’enfant sait déjà parler au moins une langue. Il sait produire des sons, c’est sur cela que l’on va s’appuyer, c’est une base stable.

Mais avant de passer aux sons, découpons le flux sonore en syllabes. La syllabe est une petite unité, mais elle est plus grande que le son. Elle nous aidera également à ralentir le flux sonore – sans perdre la fluidité. Tous les sons ne se détachent pas si facilement les uns des autres. “B” est difficile à détacher de “A” dans “BA”. “B” est difficile à prononcer tout seul, difficile à ralentir ou à accélérer, mais “BA” est facile à prononcer, une fois, plusieurs fois, plus vite, moins vite. On peut commencer à jouer avec ! On peut commencer à créer des motifs sonores.

C’est plus tard que l’on pourra augmenter la finesse d’un cran encore et observer que dans “BA”, il y a “B” et il y a “A”, les déplacer et les remplacer.

Et c’est seulement après que l’on fera correspondre ces sons aux lettres qui les notent. Ce sera une très grande difficulté également, puisqu’en français, pour chaque son, il existe beaucoup de manières de le noter, et chaque lettre peut noter beaucoup de sons. Mais de cela, on en reparlera à part.

Arbre de décomposition du mot bateau tiré du flux sonore : syllabes, sons, lettres

Syllaber, c’est commencer sereinement pour entrer progressivement dans la difficulté.

Plus tard, quand on commencera à lire et à écrire, syllaber aidera à retrouver sa fluidité pour reconnaître le mot que l’on est en train de lire. Un exemple : quand on lit “REGARDER”, on syllabera “RE-GAR-DER”, on peut chanter les syllabes : “REEEEEE-GAAAAAAR-DEEEEEER”, mais si on a lu “REG”, on est bloqué. Non seulement on ne reconnaît plus le mot que l’on est en train de lire, mais on ne sait même plus comment finir la lecture de ce mot. Essayez.

Technique de syllabation dans d’autres situations

La syllabation est aussi une technique précieuse pour les enfants en difficulté d’orthographe. En décomposant les mots en syllabes, ils peuvent se concentrer sur chaque son et retrouver plus facilement la bonne écriture.

Enfin, syllaber restera une technique utile pour ne pas trébucher lors de la prise de parole en public. Un mot difficile à prononcer ? Une expression imprononçable ? Syllabez de manière visible ou, au contraire, cachée, et vous y arriverez. Essayez. Essayez aussi en langue étrangère.

Syllaber, c’est utile !

Utiliser la syllabation aide les petits et grands :

  • au stade de pré-lecture et pré-écriture, bien avant de commencer à lire et à écrire
  • pour apprendre à lire et à écrire.
  • quand on lit et quand on écrit
  • pour s’aider à orthographier.
  • pour s’entraîner à parler de manière fluide.

Ne sautez pas les étapes essentielles dans l’apprentissage de la lecture-écriture.

Même si votre enfant semble avancer rapidement, apprendre à syllaber peut poser des bases solides qui lui éviteront des difficultés plus tard, en particulier s’il est dyslexique. Prenez le temps de syllaber, c’est un investissement durable pour l’avenir !

Apprenez à utiliser cette technique afin de développer les bonnes pratiques et d’aider au mieux votre enfant.